Sans attendre, il sonna. Quelques secondes s'écoulèrent. Les tempes de Estel battaient. Comme personne n'ouvrait, il sonna une nouvelle fois. Mais rien ne se passa. Il frappa, sonna, frappa, sonna encore et encore... puis il décida d'attendre. Il attendit une heure. Puis deux. Au bout de trois heures, désespéré, il se leva, et après avoir sonné une dernière fois, tourna les talons et s'en alla. Mais à peine fut-il en route qu'un bruit de verrou attira son attention. Il fit volte-face, et aperçut Pippin sur le pas de la porte. - Je... excuse-moi, dit-elle. Je suis désolée, je... je... - Tu es si sadique, la coupa Estel. - Entre, ajouta Pippin. Estel la suivit jusqu'au salon. - Assieds-toi, fit Pippin. Il se laissa tomber dans un fauteuil et poussa un soupir d'aise. Pippin vint s'asseoir près de lui. - Alors, que racontes-tu? - Euh... rien, rien de bien spécial. Estel semblait ailleurs. Son amie s'en aperçut et lui demanda s'il allait bien. - Oui, je vais bien! En fait... - En fait? - En fait, j'ai simplement envie de t'embrasser. Pippin eut un sursaut. - Me... mais... moi? - Oui. Un silence s'ensuivit. Estel comprit qu'il était allé trop loin. - Excuse-moi, Pippin, je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça. - Tu ne le sais pas? - Euh... à vrai dire, euh... enfin, je voulais dire que... - Est-ce que tu étais sérieux? Le coupa Pippin. Il hésita. - Je suppose que non. J'ai sûrement dit ceci sans réfléchir. Je suis désolé. - Estel... - Je suis désolé, oublie-ça. - Estel, embrasse-moi... Cette fois-ci, ce fut lui qui sursauta. Après un moment, sans mot dire, il approcha ses lèvres de celles de Pippin. Puis, dans le silence de cette maison tranquille, au milieu d'une journée comme les autres, ils s'embrassèrent pour la première fois. Après avoir repris ses esprits, Estel lança: - Tu sais, je... - Chut... fit Pippin. - Je... - Il n'y a pas de mots... - Si... - Non... - Si... je t'aime, Pippin. Celle-ci fut prise d'un sanglot: - C'est vrai? Oh... moi... moi aussi mon amour! - Depuis maintenant quatre longues années que nous nous sommes rencontrés, tu es la seule personne que j'aie jamais aimée. - Il en est de même pour moi, mon chéri, déclara Pippin. Personne ne pourra remplacer ton si beau sourire. Tu es unique, grâce à plein de petites choses. Personne n'a ta démarche, Personne n'a tes cheveux. Personne n'imite aussi bien que toi le cri du Ragondin. Personne ne connait l'histoire de Moscou aussi bien que toi. Personne à part toi ne m'a jamais dit que j'étais obsédée. Bref, personne à part toi ne mérite d'être dans mon coeur. - Ma puce... Pippin... Mais il ne put continuer. Une fois de plus, leurs lèvres se rejoignirent. Ils déliraient presque tant la fièvre les gagnait... ils étaient en haut d'un saule, en train de lécher à l'air libre. Près d'eux, Village People chantait ''YMCA'' en les regardant. Comme frappé d'un coup de foudre, Estel fasciné eut à peine le temps d'apercevoir, dans un éclair, comme dans une toile de Raphaël, Pippin réincarnée en sirène... Ecume bouclée, vagues ébouriffées, ciel baigné de nuages qui font cligner la lune, commissures nacrées de lèvres de coquillages, le sourire émaillé de corail blanc, la voix lactée et les seins nus étoilés de mer... tout disparut lorsque Estel rouvrit les yeux. - Pippin... - Oui?... - Pippin... veux-tu m'épouser?... - Oui... fit-elle doucement. Toute la nuit, ils restèrent enlacés, à parler, ou à s'embrasser. - Je t'ai déjà parlé de Jean-Loup? Demanda Estel. - Non. - Il m'a dit un jour que je ne pourrais jamais séduire qui que ce soit, même une folle. - Il ne faut pas écouter ce genre d'idioties... comment pouvait-il te dire ça, à toi, qui es si... masochiste! - Tu ne le connais pas. Sa bêtise dépasse l'entendement. - Je veux bien te croire!
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